Vincent Richeux
22 octobre 2025
LISBONNE — La musique est de plus en plus envisagée dans la prise en charge des troubles psychiques, en raison d’une efficacité démontrée sur le bien-être mental, émotionnel et physique. Au cours du congrès de médecine générale WONCA 2025, un atelier était consacré à la prescription d’une activité musicale chez les patients souffrant d’anxiété ou de dépression légère à modérée [1]. Quelques conseils ont été apportés pour accompagner au mieux ses patients dans cette démarche.
« Les médecins peuvent se sentir impuissants devant des patients qui se présentent régulièrement en consultation pour se plaindre de leur mal-être, malgré une prise en charge thérapeutique. Ces praticiens doivent prendre conscience qu’il existe d’autres alternatives pour ces patients que la médicalisation », a commenté auprès de Medscape édition
française, le Dr Juan Mendive (La Mina
Primary Care Centre, Institut Català de la Salut, Barcelone, Espagne).
Des patients souvent isolés socialement
Les patients souffrant par exemple d’anxiété ou de dépression « sont souvent isolés socialement », poursuit le médecin généraliste. « Ils peuvent avoir besoin de vivre une expérience collective, d’être moins seuls pour se sentir mieux. » Le médecin peut alors les encourager à sortir de l’isolement en s’appuyant sur des initiatives communautaires visant à améliorer le bien-être des patients à travers des activités, comme la musique.
« Il est possible d’aider ces patients en leur offrant l’opportunité de vivre ce genre d’expérience. » Même s’ils peuvent se montrer, dans un premier temps, réticents à franchir le pas, ils finissent généralement par adhérer à ce type d’activité à visée thérapeutique et à s’y rendre régulièrement, compte tenu du bien-être apporté, surtout lorsqu’il s’agit de patients socialement isolés, a expliqué le praticien lors de sa présentation.
La prescription d’une activité artistique à un patient pour améliorer son état mental s’intègre dans ce qui est plus communément nommé, le social prescribing, la « prescription sociale », qui vise à orienter vers des activités ou des services non médicaux pour améliorer le bien-être des patients. Au Royaume-Uni, le social prescribing est une approche bien définie qui fait partie de la politique de santé publique.
La prescription sociale est encouragée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a publié un guide pour mettre en place un dispositif de prescription sociale adapté au contexte local. « La prescription sociale est un moyen de mettre les patients en relation avec un ensemble de services non cliniques disponibles dans la communauté, afin d’améliorer leur santé et leur bienêtre », précise l’OMS.
Il peut s’agir, par exemple, de la pratique du chant dans une chorale, mais aussi d’une activité physique, comme une randonnée en petit groupe, une sortie en nature, qui peut aussi s’avérer très bénéfique
— Dr Mendive
Émergence de la « prescription sociale »
En France, la prescription sociale
« commence à émerger » avec quelques initiatives notables, indique dans un initiatives notables, indique dans un rapport la National Academy for Social
Prescribing, un organisme du RoyaumeUni chargé d’assurer la promotion de la prescription sociale. « Les médecins généralistes adaptent de plus en plus leur pratique pour mieux accompagner les patients en difficulté sociale », est-il précisé dans la partie consacrée à la situation en France.
Selon le Dr Mendive, tout médecin peut mettre en place une « prescription sociale » après avoir pris connaissance de ce que la communauté locale peut offrir et apporter aux patients. « Il peut s’agir, par exemple, de la pratique du chant dans une chorale, mais aussi d’une activité physique, comme une randonnée en petit groupe, une sortie en nature, qui peut aussi s’avérer très bénéfique. » Les activités de bénévolat sont également citées.
Il a été démontré que la participation à une activité musicale dans le cadre d’une prescription sociale réduit à court terme la dépression, l’anxiété et le stress
— Dr Mendive
Concernant la pratique d’une activité musicale, ses bienfaits sur la santé mentale sont de plus en plus reconnus. mentale sont de plus en plus reconnus. Plusieurs études ont pu confirmer ce bénéfice. Dans une revue de la littérature de 2019, l’OMS a souligné le rôle important de l’art, de la culture et de la musique dans la préservation de la santé mentale [2]
Une récente méta-analyse, qui a pris en compte 150 revues systématiques, a également montré l’intérêt des thérapies artistiques dans la prise en charge de plusieurs pathologies, en particulier de la musicothérapie, mais aussi de la dansethérapie, qui apparaissent comme des approches complémentaires à la psychothérapie dans le cas des troubles psychiques [3].
« Il a été démontré que la participation à une activité musicale dans le cadre d’une prescription sociale réduit à court terme la dépression, l’anxiété et le stress », a précisé le Dr Mendive. « Ses bienfaits sont apportés par l’interaction sociale, la régulation des émotions, la récompense et l’implication cognitive. »
Renseignez-vous sur ce qui est proposé localement dans votre région. N’hésitez pas non plus à solliciter les travailleurs sociaux qui peuvent vous orienter vers les structures les plus adaptées
— Dr Mendive
Envisager un suivi sur le long terme
Cette approche est particulièrement adaptée aux patients atteints d’une anxiété ou d’une dépression légère à modérée. « Elle est surtout bénéfique chez ceux qui souffrent de solitude et d’isolement social et qui sont intéressés par des alternatives à faible risque. » En revanche, elle n’est pas adaptée dans les cas de dépression sévère et de risque de psychose, a-t-il rappelé.
L’activité musicale peut être proposée sous forme de musicothérapie, dans un cadre clinique et avec des objectifs thérapeutiques. Elle peut aussi être pratiquée hors du système de soins, par exemple dans un cadre associatif, en intégrant une chorale ou une fanfare. Des activités d’écoute musicale orientée ont aussi un intérêt pour améliorer le bien-être des patients.
Pour favoriser l’orientation des patients vers une activité musicale, il est recommandé aux praticiens de contacter et de travailler en collaboration avec les personnes qui portent ce type d’initiative, afin de mettre en place conjointement un plan de prise en charge, avec un suivi régulier pour évaluer l’évolution de l’état du patient, a précisé l’intervenant.
Les patients sont invités à participer à une Les patients sont invités à participer à une activité au moins une fois par semaine. Ils sont ensuite revus en consultation « d’abord tous les trois mois, puis tous les six mois » afin d’évaluer l’évolution de la qualité de vie et des symptômes à l’aide de questionnaires spécifiques (GAD-7 pour le trouble d’anxiété généralisé et PH-9 pour la dépression).
Avec ce type d’activités, « vous avez la possibilité d’améliorer nettement l’état de santé de vos patients », a commenté le Dr Mendive. « Renseignez-vous sur ce qui est proposé dans votre région. N’hésitez pas non plus à solliciter les travailleurs sociaux qui peuvent vous orienter vers les structures les plus adaptées.»
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Références -
- Mendive J, Oliveira Neto A, Social prescribing music in mental health conditions, Workshop #22, présentation du 18 octobre 2025, WoncaWorld2025, Lisbonne, Portugal.
- Fancourt D, Finn S, What is the evidence on the role of the arts in improving health and wellbeing? A scoping review. Copenhagen: WHO Regional Office for Europe. (Health Evidence Network (HEN) synthesis report 67) 2019.
- Witte M, Bradt J, Aithal S, The Effects of Arts-
Based Interventions in the Treatment and Management of Non-Communicable Diseases: An Umbrella Review and Meta-Analyses, Nature Portfolio, publication en ligne de février 2025.
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